a.Le Molybdène, une explication à la sensibilité aux sulfites ?
Le molybdène est un oligo-élément indispensable à notre corps. On le retrouve en très faible quantité dans l’organisme, surtout stocké dans le foie et les reins. Cet oligo-élément permet notamment la synthèse de protéines, d’enzymes ou encore de l’ADN. Il est également contenu dans l’enzyme « sulfite oxydase » qui change le sulfite – toxique pour le corps – en sulfate, qui lui est inoffensif.
Ainsi, selon des études publiées dans les années 1980, une cause possible de la sensibilité aux sulfites pourrait être une carence en molybdène. Lors des recherches, une carence a été repérée auprès de la majorité des patients (Pfeiffer, 1983; Sohler, 1983). En effet, ils n’avaient pas de molybdène sanguin détectable ou alors avaient des niveaux inférieurs à 5 µg/L (alors que la normal se situe entre 10 à 100 µg/L).
Néanmoins, le molybdène n’est pas une solution miracle car chez certaines personnes cette carence est liée à un manque des co-facteurs qui permettent la production du molybdène (Wadman et al., 1983). Une telle carence – qui est d’ailleurs très rare – ne peut alors pas répondre à une supplémentation en molybdène.
Néanmoins, l’étude montre que chez la plupart des patients qui réagissent face aux sulfites, cela provient d’une forte exposition aux sulfites et d’une faible présence de sulfate et/ou de molybdène. Alors, une supplémentation pourrait résoudre cette sensibilité aux sulfites. En effet, Abumrad et al. (1981) a démontré qu’un régime pauvre en molybdène entraîne un défaut de traitement des sulfites en sulfates.
Mais le molybdène n’est pas le seul facteur de la sensibilité aux sulfites. En effet, pour avoir un taux de molybdène suffisant dans notre corps nous avons besoin de notre intestin et des bactéries qui le colonisent (microbiote intestinal). Pourquoi ? Car c’est un organe indispensable à l’absorption des micro-nutriments (vitamines et minéraux), ce qui fait de lui un pilier de notre santé (Heyman, 2010).
b. Notre microbiote et les sulfites
Les sulfites sont définis comme des additifs alimentaires afin de limiter la contamination bactérienne, et sont généralement considérés comme sûrs pour la consommation. Seulement, il a été démontré que la consommation de médicaments bactéricides (qui ont les mêmes effets que les sulfites) endommage les bactéries bénéfiques dans notre intestin : phénomène qui favoriserait plusieurs maladies (Irwin, Fisher, Graham, Malek & Robidoux, 2017).
Les effets bactéricides de deux conservateurs de sulfites (bisulfite de sodium et le sulfite de sodium) ont été étudiés pour mieux connaitre leurs effets sur le microbiote intestinal (c’est un ensemble de virus, bactéries, parasites et champignons bénéfiques qui colonisent notre intestin et qui représente un poids de 2 kg ! (INSERM, 2017)). Celui-ci est impliqué dans de nombreux processus métaboliques qui agissent sur l’intestin et dans tout le corps (exemple : production de vitamine B). Notre microbiote a également une forte influence sur la paroi intestinale et contribue à la force et à la résilience de notre immunité globale (Bäckhed et al., 2012 ; Montalto et al., 2006).
Une étude de 2017 part du fait que boire environ deux verres de vin par jour représente 75 à 130% de la dose journalière admissible (DJA) en sulfites pour une personne de 60 kg et en ajoutant à cela un apport supplémentaire de sulfites présent dans l’alimentation occidentale : l’exposition totale moyenne aux sulfites est de 294% de DJA pour un adulte et de 325% pour un enfant. L’étude montre donc que nous sommes exposés à des niveaux bien supérieurs en sulfites considérés comme sûre. Le taux élevé de sulfites dans notre environnement pourrait donc avoir un effet délétère sur notre microbiote et nos intestins (Irwin, Fisher, Graham, Malek & Robidoux, 2017).
Les conclusions de cette étude sont que les sulfites ont réduit ou stoppés la croissance de certaines bactéries intestinales qui jouent un rôle important pour notre santé et notre immunité. Par exemple, la thiamine (vitamine indispensable pour le corps au niveau du système nerveux, du fonctionnement musculaire ou encore pour la production d’énergie) est altérée par les sulfites qui peuvent contribuer à une carence.
De plus, une autre étude montre que les sulfites réduiraient la présence d’une hormone qui favorise la sensation de satiété : la leptine (Ciardi et al., 2012, Mangee et al., 2013).
Enfin, il n’est pas impossible que nous ne voyions que la partie immergée de l’iceberg et que les sulfites provoquent de nombreux autres troubles au sein de notre organisme. Les personnes sensibles aux sulfites doivent donc être plus vigilantes pour garantir une bonne santé de leur microbiote et ainsi réduire les symptômes associés à leur alimentation.
c.Notre intestin : son rôle dans la sensibilité aux sulfites
Comme nous l’avons cité ci-dessus, l’intestin joue un rôle essentiel pour notre santé. C’est un organe clé de notre défense immunitaire. C’est aussi grâce à lui que les nutriments nécessaires au fonctionnement de notre corps sont absorbés et diffusés là où notre organisme en a besoin.
Il n’est donc pas étonnant que de plus en plus d’articles scientifiques montrent que l’intégrité de la barrière intestinale joue un rôle majeur dans le développement des allergies et des intolérances alimentaires (Genser et al., 2016).
Petite explication : les aliments que nous ingérons sont digérés, et les nutriments libérés sont assimilés progressivement par l’intestin. Cela se passe généralement sans problèmes, parce que dès notre naissance, notre intestin a mis en place des systèmes efficaces de tri et de reconnaissance de ce qui est « ami » de ce qui est « ennemi ». Par exemple, si des bactéries ennemies venaient à passer la barrière intestinale, c’est le système immunitaire, situé en première ligne derrière la muqueuse, qui va s’activer pour tenter de contenir les éléments perturbateurs (Genser et al., 2016).
Cette barrière sert de défense contre les agressions extérieures. Cependant, lorsque la muqueuse intestinale est altérée et inflammée, la porosité intestinale gagne du terrain. C’est le phénomène d’hyperperméabilité intestinale (Genser et al., 2016).
Quand on sait que la surface d’absorption de l’intestin est estimée à la taille d’un terrain de tennis, il y a une immense possibilité de passage dans le sang de molécules étrangères. La rupture de cette barrière et le passage dans la circulation générale de substances « ennemies » sont le point de départ à de multiples pathologies dont les intolérances alimentaires telle que l’intolérance aux sulfites. Le mode de vie et des facteurs alimentaires peuvent aussi augmenter la perméabilité intestinale, c’est le cas de l’alcool, du stress et du régime occidental.
d.Une sensibilité aux sulfites à vie ?
Souvent, la sensibilité aux sulfites n’est pas innée mais se révèle au cours de notre vie à un âge plus ou moins avancé selon les personnes. C’est donc une bonne nouvelle, car avec de la patiente il est possible de réduire, voire de faire disparaître cette sensibilité puisque nous n’avons pas toujours été sensible à cet additif.