Histamine : symptômes, causes et prise en charge d'une intolérance peu connue

HISTAMINE

Pauline Maillard

3/19/20259 min read

L’histamine est une molécule essentielle au bon fonctionnement du corps humain, jouant un rôle central dans l’immunité, la digestion et le système nerveux. Cependant, lorsqu’elle s’accumule en excès en raison d’une mauvaise dégradation, elle peut provoquer une intolérance à l’histamine, aussi appelée histaminose qui englobe l’ensemble des déséquilibre liés à l’histamine.

L’évolution du nombre de personnes touchées par une intolérance à l’histamine, ou histaminose, est difficile à quantifier précisément car il s’agit d’une affection encore mal reconnue, sous-diagnostiquée et souvent confondue avec d’autres troubles (allergies, SIBO, MICI, etc.).

Cependant, plusieurs études et revues de littérature permettent de dégager des tendances intéressantes :

  • On estime que l’histaminose touche environ 1 à 3 % de la population et est plus fréquente chez les femmes que chez les hommes, en raison de l’influence hormonale sur l’histamine (Jarisch, 2015).

  • Une recrudescence de cas a été observée ces 50 dernières années, possiblement due à l’augmentation de la pollution environnementale et psychosociale (stress) (Reese et al. 2012).

Introduction

Qu'est-ce que l'histaminose ?

Définition

L'histamine est une molécule du système immunitaire interférant avec de nombreux organes comme la peau, l'estomac ou encore le cerveau.

L’histaminose correspond à une accumulation excessive d’histamine dans l’organisme, dépassant les capacités de dégradation du corps.

Contrairement aux allergies où l’histamine est libérée en réponse à un allergène. L’histaminose résulte d’un déséquilibre entre l’apport, la libération et l’élimination de l’histamine.

5 causes possibles

  • Déficit enzymatique pour dégrader l'histamine (notamment de la DAO, la HDC ou de la HNMT).

  • Excès d’apport alimentaire en histamine.

  • Libération excessive par les mastocytes en raison de divers facteurs (stress, médicaments...).

  • Une mauvaise régulation des récepteurs de l’histamine.

  • Facteurs génétiques.

Symptômes de l'histaminose

Cutanés

Urticaire chronique, démangeaisons, rougeurs, bouffées de chaleur, œdèmes localisés.

Musculaires

Douleurs musculaires et articulaires diffuses dues à l'inflammation des tissus.

Respiratoires

Congestion nasale, rhinite chronique, asthme, bronchoconstriction.

Cardiovasculaires

Hypotension, vertiges, tachycardie, palpitations, variations de tension artérielle.

Neurologiques

Maux de tête, migraines, insomnie, fatigue chronique, troubles de la concentration, irritabilité, anxiété.

Gastro-intestinaux

Diarrhées, ballonnements, douleurs abdominales, brûlures d'estomac, reflux gastrique.

60% des personnes atteintes d'histaminose souffrent également d'un syndrome de l'intestin irritable (Schneider et al., 2016).

Une surcharge d’histamine perturbe la régulation cardiovasculaire et peut provoquer des palpitations ou des arythmies (Schneider et al., 2016).

30 % des patients souffrant de rhinite chronique présentent une sensibilité accrue à l’histamine (Novak et al., 2017).

Une recherche menée sur les manifestations liées à l’intolérance à l’histamine a révélé que le signe le plus fréquemment rapporté est le ballonnement, présent chez environ 90% des participants. Viennent ensuite une sensation rapide de satiété après les repas et des épisodes de diarrhées, observés chez plus de 70% des personnes concernées. Les douleurs abdominales touchent plus de 65% d’entre elles, tandis que la constipation est identifiée dans 55% des cas (Schnedl et al., 2019)

Cependant, les troubles liés à cette intolérance ne se limitent pas au système digestif. Ce sont même souvent les symptômes ressentis en dehors de l’appareil digestif qui orientent le diagnostic et éveillent la suspicion d’une hypersensibilité à l’histamine.

Identifier une intolérance à l’histamine n’est pas simple, car il n’existe pas de test standardisé permettant de poser un diagnostic clair. Le plus souvent, c’est lors d’un entretien médical approfondi que le professionnel de santé évalue la possibilité de cette sensibilité. Dans certains cas, une analyse sanguine révélant une concentration faible en enzyme DAO (moins de 10 U/mL) peut renforcer la suspicion d’intolérance.

Cependant, il est important de noter qu’un taux apparemment normal de DAO ne garantit pas l’absence de problème. En effet, la quantité d’enzyme n’est pas le seul facteur déterminant : elle doit aussi être pleinement fonctionnelle. Si son activité est perturbée, même une présence suffisante de DAO n’empêchera pas l’accumulation d’histamine. Par ailleurs, une autre enzyme impliquée dans la dégradation de cette molécule, la HNMT, peut se montrer inefficace. Enfin, en situation de déséquilibre du processus biologique de méthylation – un mécanisme essentiel à l’élimination de l’histamine par le foie – la substance peut s’accumuler et entraîner des symptômes.

En complément, l'analyse de l’histamine présente dans les selles peut constituer un outil supplémentaire afin d’appuyer l’évaluation du taux d’activité de la DAO.

Comment reconnaitre une intolérance à l'histamine ?

  • Altération du métabolisme enzymatique : une activité réduite ou inefficace des enzymes DAO ou HNMT empêche la dégradation correcte de l’histamine.

  • Déséquilibre hormonal : un excès d’œstrogènes peut monopoliser la DAO, ce qui limite sa disponibilité pour neutraliser l’histamine.

  • Perturbations intestinales : la dysbiose de putréfaction favorise la production d’amines comme la putrescine ou la cadavérine, qui entrent en compétition avec l’histamine pour l’action de la DAO.

  • SIBO (prolifération bactérienne de l’intestin grêle) : certaines bactéries dégradent le mucus intestinal où la DAO est normalement active, réduisant ainsi sa présence et son efficacité.

  • Réactions allergiques : une allergie alimentaire non détectée entraîne la libération chronique d’histamine.

  • Faiblesse du foie : associée à des prédispositions génétiques ou à des déficits en nutriments essentiels comme les vitamines B6, B9, B12, le zinc ou la bétaïne, elle réduit la capacité de l’organisme à éliminer l’histamine via le foie.

  • Dérèglements physiologiques et maladies : troubles thyroïdiens (hypo ou hyperthyroïdie), maladies auto-immunes, mais aussi inflammation chronique augmentent la quantité d’histamine produite.

  • Infections : certains virus (comme l’EBV, l’herpès ou Borrelia responsable de la maladie de Lyme) stimulent directement les mastocytes, cellules qui libèrent l’histamine.

  • Facteurs divers : hyperperméabilité intestinale, déficits en cortisol, certains traitements médicamenteux, excès pondéral, stress prolongé et carences en micronutriments peuvent également favoriser l’accumulation d’histamine.

En résumé, l’intolérance à l’histamine est souvent le signe d’un déséquilibre sous-jacent et doit être envisagée comme la conséquence d’un ensemble de facteurs métaboliques, hormonaux, digestifs ou environnementaux.

L’intolérance à l’histamine ne survient jamais de manière isolée : elle est généralement la conséquence d’autres déséquilibres ou pathologies.

Plusieurs mécanismes peuvent être en cause :

Médicaments favorisants la libération d'histamine

assorted medication tables and capsules
assorted medication tables and capsules

Anesthésiques locaux et généraux

Certains stimulent directement les mastocytes, entraînant une libération brutale d'histamine dans l'organisme.

Médicaments opiacés (antalgiques)

Certains activent directement les mastocytes, déclenchant une libération d'histamine et amplifiant les effets inflammatoires.

Diurétiques

Certains altèrent l'équilibre électrolytique et peuvent réduire l'élimination de l'histamine par les reins.

De nombreux médicaments interfèrent avec la dégradation de l’histamine en inhibant la DAO. Une étude a montré que 20 à 30 % des patients sous AINS ou antibiotiques développent des symptômes liés à un excès d’histamine (Maintz & Novak, 2007).

Histamine et alimentation

En conditions normales, l’organisme supporte sans difficulté de petites quantités d’histamine. En revanche, lorsqu’elle s’accumule en excès, elle devient nocive et peut provoquer une sur-stimulation du système immunitaire.

Certains aliments contiennent naturellement de fortes concentrations d’histamine, tandis que d’autres favorisent sa libération dans le corps ou réduisent l’efficacité de l’enzyme DAO, essentielle à son élimination. Le problème, c’est que la quantité exacte d’histamine présente dans un aliment est rarement connue, car elle dépend de nombreux facteurs comme la zone de production, le degré de maturité, la durée de stockage ou encore le mode de transformation. Cette variabilité explique pourquoi chaque individu possède un seuil de tolérance différent.

Néanmoins, il existe des catégories d’aliments fréquemment identifiées comme très riches en histamine et qui sont donc déconseillées en cas d’intolérance. On retrouve notamment les produits fermentés (fromages affinés, vin, choucroute), mais aussi certains légumes comme la tomate, l’aubergine et les épinards.

Par ailleurs, il faut garder à l’esprit que plus un aliment vieillit, plus sa teneur en histamine a tendance à augmenter. En effet, les bactéries continuent à en produire au fil du temps, si bien qu’un plat réchauffé après plusieurs jours contiendra généralement davantage d’histamine que lorsqu’il a été préparé et consommé immédiatement.

Aliments à éviter en cas d'histaminose

Aliments riches en histamine

Produits fermentés ; Poissons et fruits de mer mal conservés ; Aliments en conserves / transformés ; Boissons alcoolisées...

Aliments libérateurs d’histamine (favorisent la libération par les mastocytes)

Chocolat, aubergine, avocat, tomate...

Autres aliments à surveiller

Aliments fermentés, produits laitiers, soja, oléagineux...

Ce n’est pas que la teneur en histamine qui compte, mais l’accumulation globale, l’état du microbiote, du stress, de l’activité DAO...

L’objectif est d’individualiser progressivement l'alimentation en fonction de la tolérance personnelle.

80 % des personnes intolérantes à l’histamine voient leurs symptômes diminuer après 4 semaines de régime pauvre en histamine, et cela également pour les personnes avec un SAMA (Syndrôme d'Activation des Mastocytes) (Reese et al., 2018).

yellow and red plastic container
yellow and red plastic container
chocolate bars on white table
chocolate bars on white table
a wooden bowl filled with rice next to a spoon
a wooden bowl filled with rice next to a spoon

Réguler l'histaminose : quelques clés

Journal alimentaire

Identifier les aliments déclencheurs en notant les réactions après chaque repas.

Procotole d'éviction

Supprimer les aliments riches en histamine, puis réintroduire progressivement.

Bilan sanguin

Bilan micro-nutritionnel pour établir des recommandations complètes et restaurer un équilibre du système immunitaire.

Consolider

DAO, vitamines C et B6, quercétine, cuivre, vitamines B9/B12... pour améliorer la dégradation de l'histamine.

gray stones
gray stones

Conclusion

60 %

Adoption d’un régime pauvre en histamine → Réduction des symptômes de 60 % en moyenne (Maintz & Novak, 2016).

50-80 %

Amélioration de la tolérance alimentaire avec supplémentation en DAO (Schnedl et al., 2019)

L’intolérance à l’histamine est une affection sous-diagnostiquée mais aux conséquences importantes sur la qualité de vie. Comprendre ses symptômes, ses causes et ses traitements est essentiel pour mieux gérer cette condition et retrouver un équilibre.

Ce qui compte le plus, ce n’est pas la quantité d’histamine dans un aliment, mais la manière dont le corps la tolère.

Il est donc essentiel de tester sa propre tolérance aux aliments, plutôt que de s’appuyer uniquement sur des tableaux de teneur en histamine. Une approche personnalisée et progressive permet d’identifier ce qui est réellement bien toléré.

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Bibliographie

Bjørnsson, E., Brant, L., & Einarsson, K. (2003). The effect of female sex hormones on histamine metabolism in rat liver. Scandinavian Journal of Clinical and Laboratory Investigation, 63(1), 51-58. https://doi.org/10.1080/00365510310000563

Church, M. K., Maurer, M., Simons, F. E. R., et al. (2017). Risk of first-generation H1-antihistamines: A GA²LEN position paper. Allergy, 75(4), 585-596. https://doi.org/10.1111/all.13180

Maintz, L., & Novak, N. (2007). Histamine and histamine intolerance. American Journal of Clinical Nutrition, 85(5), 1185-1196. https://doi.org/10.1093/ajcn/85.5.1185

Reese, I., Ballmer-Weber, B. K., Beyer, K., et al. (2018). Histamine intolerance: A guideline for diagnosis and management. Allergo Journal International, 27(3), 96-105. https://doi.org/10.1007/s40629-018-0050-5

Schneider, H. C., Böhm, A., & Schäfer, C. (2016). Histamine intolerance: A potential factor in irritable bowel syndrome? Journal of Gastrointestinal and Liver Diseases, 25(4), 507-512. https://doi.org/10.15403/jgld.2014.1121.254.snc

Schnedl, W. J., Lackner, S., Enko, D., Mangge, H., & Forster, F. (2019). Diamine oxidase supplementation improves symptoms in patients with histamine intolerance. Food Science & Nutrition, 7(3), 1230–1236. https://doi.org/10.1002/fsn3.967